Dans le secteur de la grande distribution, des franchisés assignent en justice leur franchiseur.
Les contrats de franchise prévoient que les franchisés doivent payer une redevance au franchiseur et que cette redevance est partiellement incluse dans le prix des marchandises facturées aux franchisés.
Les contrats prévoient que les ristournes de fin d’année et les rabais de volume accordés par les fournisseurs au franchiseur profitent exclusivement à celui-ci. Les franchisés doivent payer au franchiseur le prix de revient de la marchandise calculé par le franchiseur augmenté de 25% de la marge existant entre le prix de vente consommateur hors TVA conseillé par le franchiseur et le prix de revient. Le prix de revient comprend les frais financiers et les frais de stockage mais ne tient pas compte des escomptes, ristournes et rabais.
Les franchisés reprochent au franchiseur de piloter les marges en se faisant attribuer des marges arrières qu’il ne partage pas avec eux, ce qui se fait au détriment de la marge à répartir entre le franchiseur et les franchisés. Ils considèrent qu’il s’agit d’une application déloyale du contrat de franchise.
Les franchisés ont sollicité des renseignements comptables de la part du franchiseur qui a refusé de leur répondre.
Le franchiseur conteste qu’il y ait des accords avec les fournisseurs pour déplacer les marges ordinaires vers des marges arrières. Il n’accepte aucune comparaison avec les redevances en vigueur dans d’autres enseignes ou avec les performances des points de vente intégrés et rappelle que les contrats de franchise ne garantissent aucune marge brute.
LE DROIT
Le tribunal examine la demande sous deux angles.
Les franchisés qui reprochent une faute à leur franchiseur doivent la prouver (article 870 du Code judiciaire). Dans le cas d’espèce, les franchisés n’apportent pas cette preuve.
Cependant, ils déposent un dossier d’où il apparaît que leurs fonds propres ne font que se dégrader au fil des années alors que durant la même période, les fonds propres du franchiseur ne font que s’améliorer. Ils constatent aussi que le franchiseur n’acte pas dans sa comptabilité les marges arrières comme la loi comptable l’impose mais procède à des compensations de charges par des produits ou des passifs par des actifs au mépris de l’article 25 § 2 de l’Arrêté Royal du 30 janvier 2001.
Le tribunal conclut en indiquant que « des circonstances interpellantes sont présentées dans un domaine où la preuve est délicate à apporter sans un accès aux comptes du franchiseur et que, puisque le franchiseur ne participe pas à l’administration de la preuve malgré les demandes répétées qui lui ont été adressées, il convient de désigner un expert comptable qui devra examiner les comptes du franchiseur pour vérifier ce qu’il en est exactement des marges arrières et si celles-ci sont à ce point habituelles et récurrentes qu’elles entraîneraient une réduction artificielle de la marge ordinaire au détriment des franchisés. »
LA FAUTE EVENTUELLE DU FRANCHISEUR
Si le franchiseur manipule les marges, comme le prétendent les franchisés, il pourrait s’agir d’une faute consistant à l’exécution déloyale du contrat (infraction à l’article 1134 du Code civil). Le tribunal ne se prononce cependant pas encore sur ce point, vu le fait que l’expertise doit être réalisée et précise même que si l’expertise dément l’opinion des demanderesses, « cela renforcera d’autant la confiance du réseau dans son franchiseur, ce qui constitue un gage de réussite réciproque. »
CONCLUSION
En justice, il faut prouver ce qu’on allègue mais cette preuve n’est pas toujours possible si elle est en possession de la partie adverse. La production d’un dossier rendant vraisemblables les fautes alléguées permet cependant au Juge d’accepter la demande de désignation d’un expert pour vérifier l’existence ou non des fautes.
SEP