Le médiateur d’entreprises est désormais appelé “praticien de la réorganisation” mais il reste un médiateur !

Posté par: Franchising Belgium

Les acteurs de la Fédération Belge de la Franchise soulignent régulièrement l’avantage de la médiation là où les négociations échouent.

Dans une contribution début 2023, nous avions expliqué la différence entre, d’un côté, le « médiateur agréé », désigné conjointement par les parties pour résoudre un litige, et, de l’autre, le « médiateur d’entreprises », nommé à la demande unilatérale d’une entreprise en difficulté.

Les médiateurs d’entreprises disposent d’une expérience spécifique en matière de droit de l’insolvabilité, ce qui les rend particulièrement utiles dans le cadre de la restructuration d’entreprises en difficulté, comme décrit dans le Livre XX du Code de droit économique. À proprement parler, ce sont des mandataires judiciaires qui, sans trop d’exigences formelles, contribuent au redressement global de l’entreprise, tout en étant en mesure d’apporter une solution à des litiges individuels.

Par exemple, un médiateur d’entreprises peut intervenir à la demande d’un franchisé en conflit avec son franchiseur, mais qui doit en même temps faire face à une révocation de ses crédits bancaires, en raison de chiffres d’affaires décevants et d’un problème de liquidités. Le médiateur d’entreprises ainsi désigné peut non seulement entrer en contact avec le franchiseur pour une médiation « classique » (comme le ferait un médiateur agréé), mais également s’adresser à la banque et même éventuellement à d’autres parties prenantes, comme les employés ou certains fournisseurs. Fort de son mandat « officiel/judiciaire », il s’efforce, dans la plus grande confidentialité, de concilier les intérêts de chacun à court terme et de sauver l’entreprise de la faillite.

La désignation d’un médiateur d’entreprises dès les premières difficultés, c’est-à-dire avant qu’il ne soit nécessaire de recourir à une réorganisation judiciaire (privée ou collective), est un outil préventif très efficace. Toutefois, cet instrument demeure relativement méconnu et délaissé, malgré les campagnes d’information régulières des tribunaux via les réseaux sociaux, les séminaires et les sites web (voir la note pratique du Tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles accompagnée d’un projet de requête).

Avec la loi du 7 juin 2023 transposant la directive Restructuration (1), entrée en vigueur le 1er septembre 2023, le législateur belge a décidé que la figure du « praticien de la réorganisation » (“herstructureringsdeskundige ”) de la directive Restructuration serait désormais reprise dans notre  Code de droit économique (Livre XX), en reprenant une définition quasi identique à celle prescrite par cette directive.

Le praticien de la réorganisation est un mandataire judiciaire désigné par le tribunal de l’insolvabilité pour accomplir notamment les missions suivantes (article I.23 7°/01 CDE) : 

  1. assister le débiteur ou les créanciers dans l’élaboration ou la négociation d’un plan de réorganisation ;
  2. surveiller les activités du débiteur pendant les négociations du plan et en faire rapport au tribunal ;
  3. exercer, sans dessaisissement, un contrôle partiel sur les actifs ou les biens du débiteur avant ou pendant les négociations d’une réorganisation judiciaire.

Comme vous pouvez le constater, cette définition reprend les missions anciennement exercées par les « mandataires de justice » ou, auparavant, les « commissaires au sursis  », désormais remplacés par le praticien de la réorganisation.

 Cependant, cette définition ne reprend pas la mission essentielle du praticien de la réorganisation, à savoir son rôle de médiateur d’entreprises. C’est regrettable car la définition du Livre I CDE nous laisse penser, à tort, que la médiation d’entreprises aurait disparu… jusqu’à retrouver la notion « Médiation d’entreprises », au Chapitre 2, Section 3 du Livre XX. 

Toutefois, l’article XX.29/2 du Code de droit économique décrit le rôle du médiateur d’entreprises et précise qu’à la demande du débiteur, la Chambre des entreprises en difficulté (CED) peut désigner un praticien de la réorganisation (c’est-à-dire un médiateur d’entreprises) pour faciliter le redressement de l’entreprise. Cet article précise également que tant la mission de médiation que les rapports du praticien de la réorganisation (médiateur d’entreprises) sont confidentiels.

Il convient également de noter que le médiateur d’entreprises peut être désigné par la CED, en vertu de l’article XX.29/2 CDE, ou, dans certains cas (lorsque la CED ne peut siéger à temps), par le président du tribunal de l’entreprise en situation d’extrême urgence, conformément à l’article 584 du Code judiciaire.

 Conclusion : En renommant le « médiateur d’entreprises » en « praticien de la réorganisation », il n’est pas étonnant que les entreprises et les praticiens du droit se perdent dans les méandres du Code de droit économique. Toutefois, le médiateur d’entreprises existe toujours et demeure très utile en cas de pré-insolvabilité, bien qu’il porte désormais le nom de « praticien de la réorganisation». Dans une phase ultérieure d’insolvabilité, ce dernier peut se voir confier d’autres missions telles que l’assistance à l’élaboration du plan de réorganisation, la supervision des activités du débiteur et, parfois, un contrôle partiel des actifs. Il serait souhaitable que le législateur, dans le cadre d’une prochaine réforme, revienne à la terminologie claire et didactique de « médiateur d’entreprises » pour désigner le praticien de la réorganisation, chargé spécifiquement de la médiation d’entreprises, conformément à l’article XX.29/2 CDE.

 

Benoit Simpelaere – Flinn Law

(1) Directive (UE) 2019/1023 : Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132.