Un franchiseur, actif dans la haute couture, définit et impose les travaux d’aménagement du point de vente du futur franchisé dans un cahier des charges. Le contrat de franchise signé en mars 2012 stipulait à l’article 6 que le franchisé était tenu « à ses propres frais, d’équiper, et de maintenir le Magasin tel que recommandé par le Franchiseur et selon les normes les plus élevées et de refaire à neuf ou aménager le Magasin conformément au Manuel d’utilisation et les mises à jour pertinentes du Manuel d’utilisation (…). Le Franchiseur assurera toutes les conceptions, décoration intérieure ou plans du Magasin ». Ce cahier des charges contenait des erreurs et était imprécis. De plus, les architectes mandatés par le franchiseur pour suivre les travaux d’aménagement du point de vente n’ont pas réalisé correctement leur travail. En conséquence, le budget de travaux initialement prévu a été multiplié par trois et le délai de réalisation des travaux a été retardé de plus de trois mois.
Ces erreurs justifient-elles la résiliation fautive du contrat de franchise aux torts du franchiseur ?
La Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur cette question le 9 novembre 2022 (arrêt n° 20/12275) et a répondu par la négative, en confirmant sur ce point le jugement du 3 février 2020 du Tribunal de commerce de Paris (RG n°2018 000469). La Cour rappelle cependant que l’inexécution fautive du contrat de franchise par le franchiseur peut justifier l’octroi de dommages-intérêts sans que ne soit prononcée la résiliation du contrat.
C’est ce qui a été fait en l’espèce : si les manquements du franchiseur ne peuvent justifier la résiliation du contrat plusieurs années après la réalisation des travaux et s’il n’y a pas eu de la part du franchisé de renonciation tacite de demander réparation (preuve qui était rapportée en l’espèce, notamment par des courriers et des mises en demeure adressées par le franchisé au franchiseur), la demande de dommages-intérêts a été accueillie et le franchiseur a été condamné à indemniser le franchisé de son préjudice. La Cour précise ceci : « il résulte de l’ensemble de ces constatations, que c’est à juste titre que le tribunal a retenu des manquements de la part du franchiseur dans la définition préalable des travaux nécessaires à l’agencement de la boutique et dans le suivi de leur exécution, mais n’ayant contribué que pour une part dans la dérive des coûts des travaux d’aménagement de la boutique (…) et dans le retard pris pour l’ouverture de la boutique, et évalué à la somme de 1.720.000 euros non utilement contestée à hauteur d’appel suivant les différentes consultations versées aux débats (…). La cour retiendra également une part de 50% de ce surcoût (…) soit la somme de 860 000 euros et le jugement sera confirmé sur ce point ». Le tribunal et la cour d’appel ont fait ici usage de leur pouvoir d’apprécier le dommage du franchisé.
Sur base de cette jurisprudence, il est permis de tempérer les recours de certains franchisés qui, estimant que le franchiseur a commis une faute, soutiennent que la résiliation du contrat en est la seule conséquence. L’appréciation de la faute du franchiseur est du ressort du tribunal saisi de même que les conséquences de cette faute : ici, pas de résiliation du contrat mais des dommages-intérêts qui sont évalués à 50 % du préjudice total allégué par le franchisé.
Le 16/12/2022
Pierre Demolin
Avocat aux barreaux de Mons et de Paris
DBB DEFENSO
MAR